Antoine Collard 10 avril 2022
“Un plan d’urgence est requis pour sortir de notre dépendance au gaz et au pétrole”
Des activistes de Greenpeace empêchent actuellement un navire transportant du pétrole russe d’entrer dans le port d’Anvers. Choquée par les atrocités mises au jour en Ukraine le weekend dernier, l’organisation environnementale appelle à la fin de l’importation de combustibles fossiles et d’uranium russes. Une demande également formulée par le Parlement européen. Greenpeace soumet par ailleurs 18 recommandations pour réduire rapidement la dépendance de la Belgique à l’égard du pétrole et du gaz.
« Les combustibles fossiles tels que le pétrole et le gaz sont à l’origine de la crise climatique et financent également les guerres et les conflits dans le monde, comme c’est le cas aujourd’hui en Ukraine. Les prix élevés de l’énergie et des carburants que nous payons aujourd’hui enrichissent les compagnies pétrolières et alimentent le trésor de guerre de Poutine”, explique Thomas Leroy, porte-parole de Greenpeace Belgique, présent lors de l’action dans le port d’Anvers.
55 pétroliers et gaziers russes sont arrivés en Belgique depuis le début de la guerre
Le pétrolier bloqué se nomme Seychelles Pioneer. Il a quitté Primorsk en Russie le 1er avril et transporte avec lui 33 000 tonnes de diesel. Détail frappant, le Seychelles Pionneer était déjà le premier navire transportant du pétrole russe à entrer en Belgique lorsque la guerre a débuté.
Il est le dernier d’une longue série de tankers qui continuent à travailler sans relâche depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Au total, pas moins de 55 pétroliers et méthaniers en provenance de ports russes sont entrés à Anvers et Zeebrugge depuis que la guerre a débuté, selon les recherches.
« Chacun de ces tankers renforce le lien de notre pays avec la guerre en Ukraine. Avec une capacité totale de plus de 3,5 millions de m³ de pétrole et de gaz – soit l’équivalent de 14200 piscines olympiques – , ces cargaisons alimentent non seulement directement la crise climatique mais elles financent également la machine de guerre de Poutine », poursuit Thomas Leroy.
En 2021, près de 2 milliards d’euros ont transité de la Belgique vers la Russie pour l’importation de pétrole et de gaz. Quelque 40% du budget fédéral russe provient du pétrole et du gaz, qui représentent 60% des exportations du pays. [2] Le Parlement européen appelle à un embargo immédiat et complet sur les importations de pétrole, de gaz, de charbon et de combustible nucléaire en provenance de Russie.
Plan d’urgence pour sortir de notre dépendance au pétrole et au gaz
« Ces derniers mois, nos responsables politiques ont beaucoup évoqué notre problématique dépendance aux énergies fossiles… Mais nous n’avons toujours pas de plan pour en sortir le plus vite possible. Quelques jours après un nouveau rapport très clair du GIEC, des solutions d’urgence doivent être mises en place. Il n’est pas
Répartition des échanges russes en 2013 (
exportations + importations), en %
envisageable qu’un boycott des énergies fossiles russes nous amènent à chercher d’autres sources de pétrole et de gaz”, ajoute Thomas Leroy.
Simultanément à l’action dans le port d’Anvers, Greenpeace a donc envoyé une lettre recommandée au Premier Ministre et aux Ministres-Présidents de notre pays.
L’organisation environnementale demande une date de fin claire pour l’importation de combustibles fossiles russes [3], et soumet 18 recommandations concrètes [4] pour réduire notre dépendance au pétrole et au gaz aussi rapidement que possible. Elles concernent la mobilité, le chauffage et l’électricité.
La campagne d’information « J’ai un impact » du gouvernement fédéral lancée ce 7 avril ne peut pas se substituer à un plan d’urgence.
“Nos gouvernements doivent se mettre au travail”, explique Thomas Leroy.
“Il ne suffit pas de pointer du doigt les citoyen.ne.s."
Des mesures fortes doivent être prises, y compris en ce qui concerne les économies d’énergie dans l’industrie, et il n’existe à l’heure actuelle aucun soutien qui permette aux citoyen·ne·s, tout particulièrement aux personnes vulnérables, de limiter leur consommation d’énergie. Des mesures évidentes et bénéfiques, comme une limitation de vitesse à 100km/h sur les autoroutes, sont toujours bloquées par certains partis.
Si nos gouvernements ne peuvent pas prendre des mesures d’économie d’énergie en temps de guerre, de crise climatique et énergétique, quand le pourront-ils ?”
Greenpeace a enfin aussi pris contact par courriel avec les employé.e. s et les parties prenantes du port d’Anvers pour leur assurer que cette action n’est pas dirigée contre eux. Les travailleuses et travailleurs sont le cœur et l’avenir du port. Leur expertise, leurs compétences, leur expérience, leur engagement et leur passion rendent possible la transition du fossile vers un port circulaire et à faible émission de carbone. Greenpeace veut être un partenaire de cette transition, aux côtés des employé.e.s.
Notes et Sources:
[1] Retrouver ici l’aperçu précis des tankers transportant du gaz (LNG) et du pétrole russe vers la Belgique depuis le début de la guerre (état des lieux réalisé le 9/4 à 12h). Source marinetraffic.com.
[3] Des pays comme la Grande-Bretagne, la Pologne, l’Allemagne, le Canada, les États-Unis et l’Australie ont déjà annoncé des dates de fin pour leurs importations de pétrole, de gaz et/ou de charbon russes. Les entreprises réduisent également leurs importations de pétrole en provenance de Russie. https://www.reuters.com/business/energy/who-is-still-buying-russian-crude-oil-2022-03-21/
[4] Lire ici nos 18 recommandations pour un plan de sortie d’urgence des énergies fossiles, qui visent 3 domaines-clé : mobilité, chauffage et électricité.
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